RENCONTRES...

jeudi 26 février 2015

UN HIVER AVEC BAUDELAIRE - HAROLD COBERT

4ème de couverture :
Sa femme l'a mis dehors, son CDD n'est pas prolongé. Philippe est happé dans la spirale infernale et passe de l'autre côté de la barrière sociale: SDF, confronté à la dure loi de la rue, faite de solitude, de honte et de violence. Jusqu'au jour où il rencontre Baudelaire. Grâce à cet inénarrable compagnon d'infortune, et avec l'aide d'un vendeur de kebab, d'une riche veuve et d'une dame pipi, il réussit à remonter la pente. Et à retourner à une vie normale. Plongée sans fard dans le quotidien des plus démunis, Un hiver avec Baudelaire, en mêlant romanesque et vérité sociale, poésie et âpreté, rappelle cet équilibre précaire qui régit nos vies.

Mon avis :
Un équilibre qui ne tient qu’à un fil, un fil qui casse au moindre poids de l’infortune. Une infortune qui a doublé le poids de ses jours. Philippe récemment divorcé, père d’une petite Claire, plonge dans sa lente déchéance, on l’accompagne dans cette descente inexorable, on ne détourne pas, comme on le ferait dans la vraie vie.

« A chaque station, le visage de ceux qui l’aperçoivent en montant se crispe ou se fige avant de se retrancher derrière une indifférence de façade comme on verrouille une porte. Ceux qui vont pour s’asseoir non loin de lui se ravisent à sa vue et, après un demi-sourire tordu et embarrassé, vont s’asseoir plus loin, quand ils ne changent pas de voiture à la station suivante. Ceux qui le repèrent depuis le quai s’épargnent ses simagrées et montent directement dans un autre wagon. Il ferme les yeux »

L’écriture d'Harold Cobert sait nous tenir en haleine, et veut nous mener jusqu’à la dernière page.
Dans la première partie, la vie de Philippe bascule dans une descente aux enfers, elle est décrite sans concession, tout y est, des centres de logement, aux bancs publics, des visages qui se détournent à la violence. Mais avec une dignité toujours présente.

 « L'avenir se vit au présent. Un présent qui ne se conjugue pas. Ou uniquement au mode infinitif. Parce qu’aujourd'hui ressemble à hier, et demain à aujourd'hui. Manger. Dormir. Boire. Rester propre. Emmaüs. Mendier. […] Regarder la date sur la une des journaux. Dormir. Rester propre. Déféquer. Ne pas mourir. Changer de chaussures. Rester digne. Mendier. Ne pas lâcher. Manger. Boire. Dormir. Rester en vie. Penser à Claire. Vivre. Survivre »

Dans la seconde, une belle fable sur l’espoir voit le jour, on veut y croire, et on y croit !!! Une rencontre miraculeuse, le chien, Baudelaire, l’émotion nous prend, nous pend à la gorge, ne nous lâche pas. De la pure poésie, et je tiens à saluer Harold pour ces talents d’orfèvre, les mots sont d’une telle justesse, s’imbriquant les uns dans les autres, nous embarquant…

On ne sort pas de cette lecture indemne, certes, on est charmé par la magnifique plume d'Harold, mais cette descente brutale, cette misère ne sont pas l’apanage des moins bien lotis, personne n’est à l’abri…même avec un joli toit au-dessus de la tête !

Merci Harold Hâte de lire « Lignes Brisées » la semaine prochaine !


mercredi 25 février 2015

Challenge Lecture Ultime 2015

Avec quelques amis bloggers, et afin de diversifier nos lectures, nous avons décidé de participer au challenge suivant (popsugar reading challenge), lire pour le plaisir certes, mais pimenter un peu par des romans qu'on ne risquait pas de lire (par exemple un livre paru l'année de votre naissance, ou un livre dont l'auteur porte les mêmes initiales que vous)

J'ai commencé ce challenge début janvier, je posterai au fur et à mesure les mises à jour.













































































Il fallait bien que j'en trouve un :) 


























































lundi 23 février 2015

BILAN LIVRESQUE 2014

J'ai enfin pris le temps de faire mon bilan livresque 2014, les livres sont classés par ordre alphabétique (noms des auteurs), les bleus ont été chroniqués, il suffit de cliquer dessus.
A peu près 27000 pages, on verra si je ferai mieux en 2015 :) 
Je ne me mets aucune pression, je lis pour le plaisir de lire et je partage également pour le plaisir, ça pourra -peut-être- donner des idées de lecture à certains...

Mes coups de coeur 2014 sont marqués d'un ou plusieurs astérisques

ALAOUI HICHAM - Journal d'un Prince
ANONYME - Le livre sans nom
AVERROES ABU AL WALID - L'Islam et la raison
AZZEDINE SAPHIA - Confidences à Allah
BEIGBEDER FREDERIC - L'Amour dure 3 ans
BEIGBEDER FREDERIC - Dernier inventaire avant Liquidation
BEIGBEDER FREDERIC - Premier bilan après l'Apocalypse
BENNIS OUDIA - Entre le croissant et l'Etoile
CARR CALEB - L'Aliéniste
CHRAIBI GHIZLAINE - Un amour fractal
CLOT ANDRE - L'Espagne Musulmane: VIII - XI Siècle
COHEN JACOB - Le printemps des SAYANIM
CUSSET CATHERINE - Une éducation catholique
DOS SANTOS JOSE RODRIGUEZ - La formule de Dieu
DUPONT-MONOD CLARA - Le roi disait que j'étais diable
FALCONES ILDEFONSO - Les révoltés de Cordoue
GERMILLON HELENE - Le confident
GIESBERT FRANZ-OLIVIER - La cuisinière de HIMMLER ***
GLACIER OSIRE - Femmes politiques d'hier et d'aujourd'hui
GOETHE JOHANN WOLFGANG - Les souffrances du jeune Werther
GUICHARD PIERRE - AL ANDALUS 711-1497
JAMES E.L. - Cinquante nuances de Grey
JAMES E.L. - Cinquante nuances plus sombres
JAMES E.L. - Fifty shades of Grey - FREED (lu en anglais pour en finir avec la trilogie ...)
JONASSON JONAS - L'analphabète qui savait compter
LAROUI FOUAD - Une année chez les Français ***
LAROUI FOUAD - La vieille dame du riad
MAZETTI KATARINA - Le caveau de famille
MAZETTI KATARINA - Le mec de la tombe d'à côté
MOIX YANN - Naissance
MONFILS NADINE - Les vacances d'un serial killer
MONFILS NADINE - La petite fêlée aux alumettes
NEDALI MOHAMED - Morceaux de choix
NIETZSCHE FRIEDRICH - Ainsi parlait ZARATHOUSTRA ***
NOTHOMB AMELIE - Une forme de vie
NOTHOMB AMELIE - Barbe bleue
NOTHOMB AMELIE - Métaphysique des tubes
OLMI VERONIQUE - Le premier amour
OTSUKA JULIE - Certaines n'avaient jamais vu la mer ***
OUBROU TAREQ - Profession Imam 
PARENT GAIL - Peur de rien
PULKKINEN RIIKKA - L'armoire des robes oubliées ***
RUIZ MIGUEL - Les quatre accords Toltèques
SANCHEZ CLARA - Ce que cache ton nom ***
SAND SHLOMO - Comment le peuple juif fut inventé ***
SCHMITT ERIC-EMANNUEL - Monsieur Ibrahim et les fleurs du coran
SCHOPENHAUER ARTHUR - L'art d'avoir toujours raison
SIMSION GRAEME - The Rosie Effect (lu en Anglais) ***
SINOUE GILBERT - Avicenne ou la route d'Ispahan ***
SPINOZA BARUCH - L'Ethique
TEULE JEAN - Balade pour un père oublié
TEULE JEAN - Charly 9
TEULE JEAN - Longues peines
TEULE JEAN - Bord cadre
TEULE JEAN - Le magasin des suicides ***
VANN DAVID - Sukkwan Island ****
WOLFE TOM - Bloody Miami ***
YALOM IRVIN. D - En plein coeur de la nuit
YALOM IRVIN. D - La malédiction du chat hongrois
YALOM IRVIN. D - Mensonges sur le divan
ZAFON CARLOS RUIZ - Marina
ZUSAK MARKUS - La voleuse de livres ****

jeudi 19 février 2015

CHRONIQUES DE L'OUBLI - OLIVIA MARIE

4ème de Couverture :
La maladie d’Alzheimer fait peur. À tous. Ce roman, écrit par un médecin, invite à découvrir l’univers, diabolisé à tort, de la « maison de retraite », ou EHPAD. À travers le quotidien des personnages, on percevra les interactions humaines qui participent à la vie. Car, si l’on y meurt, on y vit aussi. Malgré la maladie. Malgré l'oubli. Malgré la mort. On pourra, à la lecture de ce livre, mieux comprendre combien oublier peut être douloureux, et comment la tolérance et l'écoute se révèlent salvatrices. Acte de foi, d'amour, de colère parfois, outil pédagogique, ce roman s'adresse à tous, jeunes et vieux, dans l'espoir de donner quelques clés pour apprivoiser la différence. Une différence qui nous concerne, ou nous concernera, tous.


Mon avis :
Reçu dans le cadre d’une masse critique Babelio, que je remercie au passage…
C’est un livre qui dérange… profondément, le sujet est brûlant et peu nous concerner tous. Mais la lecture en fut très difficile.
Chroniques de l’oubli ou les pérégrinations d’un médecin sans mémoire, n’est pas une lecture-plaisir !

Madame Semaine ne sait plus s’exprimer, le Dr Decourt ne sait plus quoi penser, Madame Marguerite commence à oublier, un carnet est retrouvé. Le temps lie ces personnages comme il efface leurs souvenirs. Les douleurs persistent, la joie de vivre aussi, parfois.

Tel est le thème de ce roman situé au cœur d’une maison de retraite habitée par la vie. Celle des salariés, des résidents et de leur famille. Avec leurs joies, leurs peines, leur brutalité et leur douceur.

La temporalité a fui la démence. La confusion l’habite. Le lecteur, s’il se perd, devrait s’en laisser imprégner un moment sans chercher à comprendre. Le ressenti suffirait à guider ses pas. Il serait comme le malade d’Alzheimer, à la différence près que ce serait un jeu. Un jeu avec une fin, un retour à la lucidité. Avec la vie au bout.

« Une rue. Deux rues. Me voilà devant la porte de la maison. Pas la mienne. Celle de cent personnes. Cent personnes qui ont vécu leur vie. Et qui sont là pour la finir. Cent vieilles personnes que je croise chaque jour. Que je vois terminer de vieillir. Qui me voient commencer à mûrir. Qui me renvoient ma jeunesse. A qui je renvoie leur vieillesse. Qui me voient sourire et que je vois mourir. »

On plonge au cœur de la vie et de la pensée des malades, en suivant l’auteur qui en a une expérience quotidienne.

Notre capacité d’empathie est mise à rude épreuve tant est l’impact de l’oubli sur la vie.

Le regard que l'on porte, les mots que l'on utilise sont importants: le poids des mots est énorme...

« Mais s’il vous plait, refaites juste la même chose qu’aujourd’hui, s’il vous plait … Et puis je le sais qu’elle vous tape, mais vous, pour vous c’est quoi une vieille dame ? C’est comme le lavabo à récurer ou les toilettes à gratter ? Ça parle, vous savez ! Ça voit et ça entend ! Mal, mais ça entend, si ! SI ! Et même parfois ça comprend et puis ça « fait » aussi ! Oui ! Ça bouge tout seul, sans qu’on fasse à la place ! C’est fou, ça, hein ? Et votre humanité, elle est passée où, votre humanité ? Parce que pour choisir un métier pareil, on en a au départ, de l’humanité, non ?... »

Un film se déroule au gré d’un temps inversé qu’il faut se résigner à suivre, au-delà des limites de notre raison.

« -Le Docteur M. est un bon médecin, vous savez, je ne ferai pas mieux.
-Mais j’aime quand même mieux avoir votre avis, vous savez, car je vous fais confiance.
Tentative d’attendrissement réussie. J’observe son air triste et résigné. Grand philosophe reconnu, réduit aujourd’hui à n’être qu’un anonyme résident en maison de retraite, entouré de personnes démentes. C’est dur pour lui, la vie, quand même… »

Je ne peux pas dire que j’ai aimé ce roman, il m’a touchée, bouleversée, et j’avais hâte de le terminer…

« Mourir, c’est enterrer tout le monde, en une seule fois » Daniel Pennac


« Heureux les fêlés, car ils laissent passer la lumière » Michel Audiard à méditer…

L’auteur :

Née en 1975 de deux parents médecins, Olivia Marie a toujours rêvé d’exercer ce métier. Le diplôme en poche, c’est vers la médecine générale puis la gériatrie qu’elle se tourne. Elle apprend à connaître et à aimer son travail auprès des personnes âgées, au sein d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Chroniques de l’oubli est son premier roman.

dimanche 8 février 2015

MAX - SARAH COHEN-SCALI

« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Führer. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l’on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l’enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d’autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d’aimer. Heil Hitler ! »




Mon avis :
Ainsi commence Max le livre, et Max le fœtus à naître. Livre choc, livre coup de cœur !!!
Au fil des pages, on suit Konrad von Kebnersol, sunommé Max par sa mère biologique, qui est sur le point de naître dans un Lebensborn*, jusqu’à la fin de la guerre et le siège de Berlin par les « Ivan », les soviétiques.

Du recrutement d’une « Schwester », dans ce cas-là Schwester n’est ni l’équivalent de sœur, ni d’infirmière, les Schwestern sont sélectionnées, comme les officiers Nazi, selon des critères répondant aux normes de la race Aryenne.
« Il y a, parait-il, des filles qui tentent de se sauver au dernier moment, lorsqu’elles comprennent ce qu’on attend d’une Schwester. Qu’est-ce qu’elles croyaient, celles-là ? Qu’elles allaient choisir leur partenaire et filer le grand amour ? Quelle naïveté ! Quelle lâcheté ! Il faut profiter des hommes, tant qu’ils sont vivants. Beaucoup vont mourir au champ d’honneur. Les naissances diminueront. Or l’Allemagne ne doit pas être un peuple de vieillard. Il faut y veiller ! A l’avance ! D’où notre programmation. […] L’accouplement est UN DEVOIR. Pour servir la patrie. »


Max est un livre poignant, effrayant, il fait mal. On navigue entre l’extermination des juifs et la production en masse de petits aryens. Sans ménagement, il nous mène aux confins de l’horreur, mais on n’arrive pas à le lâcher.
Le petit Konrad/Max est né le 20 Avril comme le Führer, et a eu le privilège d’être Baptisé Par le Führer En Personne (ce qui lui vaudra plus tard le surnom de "BPFP"), devenu la mascotte du Lebensborn Steinhöring en Bavière, et contrairement aux autres enfants, qui ont été rapidement adoptés, il ne le quitte qu’à l’âge de 6 ans pour intégrer un centre en Pologne afin d’aider les formateurs à mettre la main sur les enfants de type aryen pour les germaniser. Enfin, il intégrera les écoles d’élite de la jeunesse hitlérienne.

« Nous ferons croître une jeunesse devant laquelle le monde tremblera. Une jeunesse impérieuse, intrépide, cruelle […] Elle saura supporter la douleur. Je ne veux en elle rien de faible ni de tendre […] Je ne veux aucune éducation intellectuelle. Le savoir ne fait que corrompre mes jeunesses. »

Le récit est raconté à la première personne du singulier, nous plongeons dans les pensées de Max qui ne nous épargne aucun détail.

Au début on est choqué, on sent la provocation, ensuite on est intrigué. C’est très déroutant comme lecture, car les mots sont forts, la haine est immensurable, mais c’est un petit enfant qui nous parle, on veut le détester, on doit le détester, mais on n’y arrive pas. C’est un enfant, fabriqué et programmé. Les "sieg Heil" et autres  "Heil Hitler" sortis de sa bouche, au fil des pages, résonnent bizarrement d’une autre façon dans nos oreilles. Autant au début du récit on lui en veut, ce fruit du nazisme dans sa plus fidèle représentation, autant à la fin on le prend en pitié, surtout qu’en grandissant, ce formatage très présent au début, laisse place à une brèche par laquelle s’engouffrent quelques sentiments humains. On assiste à une brutale prise de conscience. Ce changement est dû à sa rencontre avec Lukas, enfant polonais enlevé et germanisé**, avec qui il se lie d’amitié et qui va arriver à ébranler des croyances idéologiques profondément ancrées.

Outre la qualité de la plume de Sarah Cohen-Scali, ses recherches historiques ajoutent beaucoup de profondeur à cet ouvrage, qui reste pour moi un must have pour tout monomaniaque de la WW2 J

*Le programme Lebensborn, initié par Heinrich Himmler et mis en place dès 1933 en Allemagne, puis dans les années 1940-1941 dans les pays occupés. On estime à environ 8000 le nombre d’enfants nés dans les foyers du Lebensborn en Allemagne et entre 8000 et 12000 en Norvège, quelques centaines en Autriche, en Belgique et en France.
**L’enlèvement et la germanisation d’enfants polonais. (Des enfants ukrainiens ou issus des pays Baltes furent également concernés. On estime que le nombre d’enfants arrachés à leurs familles s’éleva à plus de 200.000)


L'auteur:
Sarah Cohen-Scali est née à Fès au Maroc le 16 octobre 1958. Elle commença à écrire à l'âge de 29 ans. Elle est lienciée en philosophie. Elle a suivi des études d'art dramatique avant de commencer à écrire pour les enfants. Elle a publié une vingtaine d'ouvrages pour la jeunesse mais aussi pour adultes, en particulier des romans noirs. Elle écrit également sous pseudonyme de Sarah K.